8 février 2008

Le pouvoir d'indignation

"Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n'est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort". "Je serais encore plus gênée si la diplomatie française se contente de signer des contrats commerciaux, sans exiger de lui des garanties en matière de droits de l'homme. C'est un devoir: la France n'est pas qu'une balance commerciale"
Ces termes très durs, choisis avec soin semble-t-il par la secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme, concernant la visite au mois d'octobre du colonel Kadhafi ont séduit beaucoup de monde, y compris des gens de sensibilité de "gauche" voyant là un discours courageux en phase avec son titre de secretaire d'Etat.
Tempête dans un verre d'eau car après coup, non seulement rien n'a vraiment bougé, pas de démission, mais une volte face de Yade, et plus encore des félicitations du président laissant le sentiment qu'il tentait d'organiser lui même son opposition.
Plus grave à mon sens est l'intervention ce matin de la même Rama Yade sur RTL chez Jean Michel Aphatie.
Il explique sur son blog que l'objet principal de l'entretien portait sur la grâce que pourrait accorder le prédident tchadien Idriss Déby aux protagonistes de l'Arche de Zoé.
Mais l'interview s'est finalement polarisée sur la plainte que le Chef de l'Etat a déposée au pénal contre le site internet du Nouvel Observateur et qui a valu à Rama Yade des commentaires d'une violence rare sur "la presse" qui, n'ayant toujours pas digéré l'élection de Sarkozy, se comporte dixit, comme des "charognards", organisant une "chasse à l'homme".
Cette capacité à s'indigner avec la même force sur un sujet de politique internationale comme sur le traitement médiatique du Chef de l'Etat est plutôt cocasse et assez symptomatique de la confusion des valeurs qui perturbe les acteurs de la vie politique.
D'un côté, un président qui se fait fort d'être "comme tout le monde" (alors que ce n'est pas ce qu'on lui demande), de faire tomber la barrière entre sa vie privée et publique ceci dans une perspective électoraliste, ouvrant la voie à toutes les dérives, on le voit avec cette affaire de l'Obs.
De l'autre, des ministres, spectateurs de cette mise en scène présidentielle, qui doivent rentrer dans ce jeu malsain de la petite phrase ou rattraper les bourdes présidentielles (qui dépassent de loin celles de Ségolène Royal maintenant), sans pouvoir réél sur les décisions.
Rama Yade est donc dans la première catégorie, tentant d'exister sur la scène médiatique quitte à sortir des énormités comme ce matin et ruiner une crédibilité qu'elle tentait d'acquérir.
La presse et Kadhafi menaçant les droits de l'Homme (et de Sarkozy), pour la finesse et le sens de la mesure, on repassera...

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