23 novembre 2008

Entre confusion et scission

Le spectacle que donne à voir le Parti Socialiste à l'heure de la désignation de son premier secrétaire vire au grotesque. Les acteurs en présence sont bien évidemment responsables de cet état, mais pas seulement. Plus largement, des causes structurelles, touchant aux modes de désignation de ses représentants (premier secrétaire et candidat à l'élection présidentielle) ne tenant pas compte du passage au quinquennat en 2000, et de l'inversion du calendrier électoral donnant la primauté à l'élection présidentielle sur les élections législatives viennent également expliquer ce fiasco.

François Hollande, le chantre de la synthèse entre les courants du parti est au premier chef responsable de la lente décrépitude d'un parti qui montre plus son aptitude à se déchirer qu'à gouverner.
A la suite du fiasco lors du référendum européen de 2005, le congrès du Mans aurait dû être celui d'un choix clair du parti pour une ligne d'adaptation à la mondialisation réformiste, pro-européenne conformément à la ligne de la majorité des caciques du parti qui ont connu le pouvoir sous Mitterrand et Jospin. La frange plus réduite ayant pris position contre l'adoption du traité constitutionnel - essentiellement Jean-Luc Mélenchon, Henri Emmanuelli et Laurent Fabius - aurait pu en tirer une conclusion analogue à celle que vient de tirer Mélenchon, et quitter le PS, ou, à défaut, y être poussé.
Au lieu de cela, avec la volonté de préserver l'unité de socialistes qui ne pensaient déjà plus pareil, Hollande a entrainé la défaite idéologique qui aboutira à celle électorale deux ans plus tard.
Cette motion de synthèse adoptée au Mans a tenu lieu de programme pour Ségolène Royal, qui, elle-même reconnaissait ne pas croire possibles certaines des promesses du programme tirée de cette motion.

Apparaît ici le principal échec du parti durant les 10 années de mandat de François Hollande, ne pas avoir tenu compte de la présidentialisation de la vie politique induit par le passage au quinquennat et à l'inversion du calendrier électoral souhaité par Lionel Jospin, persuadé de l'emporter alors en 2002. Ce refus de faire évoluer la tradition "guesdiste" du parti vers le réformisme (ce qu'est le parti quand il est au pouvoir depuis 1983) et d'inverser le choix entre la ligne et le leader a conduit à l'impasse le parti. Ce choix démocratique d'une ligne politique qui tiendra compte de tous les courants, puis du leader qui l'incarnera devant les électeurs est totalement dépassé à l'heure de la présidentialisation de la vie politique. A quoi cela sert-il de désigner un candidat pour l'élection si tous ont le même programme? Cette situation ubuesque est bien résumée par Jean-Louis Bourlanges avec cette formule "C'est comme si on signait l'armistice avant la bataille".

De là vient également l'accusation de manque d'idées dont on affuble le parti. Ce n'est pas exact, mais aucune n'est audible car chaque leader à la sienne, et aucune ne devient majoritaire car ce n'est jamais un courant dominant qui impose la sienne aux autres. Si changement il doit y avoir, il est bien là. Le parti ne peut plus se permettre de désigner des candidats fantoches qui doivent défendre un programme qui n'est pas pleinement le leur. Royal a au moins le mérite de bousculer ce schéma mortifère pour les socialistes et la gauche en posant notamment la question des alliances sans tabou, et en revendiquant sa volonté de prendre le pouvoir en 2012. Face à elle, l'alliance entourant Martine Aubry entend préserver l'unité du parti. On y trouve pêle-mêle : Fabius et Jospin, Lang et Delanoë ou encore Hamon et les amis de DSK. Quelle cohérence à part la détestation de Royal.

Les derniers développements ne laissent guère optimiste quant à un apaisement. Il ne faut pas oublier que le PS est un parti d'élus, le premier parti de France à l'échelon local. Hollande s'en est félicité de nombreuses fois, laissant à penser qu'il se satisfaisait de cette répartition des rôles : à la gauche le pouvoir local, à la droite le pouvoir national.
Le parti est à la croisée des chemins, garder des structures archaïques et laisser l'opposition à d'autres (Bayrou, Besancenot...) ou se transformer et retrouver son rôle d'alternative nationale crédible, dans une période qui n'a jamais été aussi favorable pour une politique de gauche.

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