26 août 2008

Remaniement gouvernemental au Japon : améliorer le quotidien?

Depuis son arrivée à la tête du gouvernement japonais en septembre 2007, les problèmes de Yasuo Fukuda se sont accumulés, au point qu'au début du mois d'août , ce dernier a du procéder à un remaniement – l'opposition, elle, réclamait des élections anticipées. Ce remaniement fait suite à une côte de popularité au plus bas pour Fukuda et à une politique gouvernementale apathique, paralysée par la cohabitation entre le jimintô (PLD) et le minshutô (PDJ) à la tête des deux chambres à la Diète.
Pour remédier à cette situation politique défavorable, Fukuda a choisi de s'entourer de sa propre équipe (suite à la démission de Shinzo Abe, 15 des 17 membres du cabinet étaient restés à leur poste), tout en se voyant imposer l'ancien ministre des affaires étrangères Tarô Asô, nommé au poste stratégique de secrétaire général du PLD. Ce leadership de Tarô Asô sur le parti laisse à penser, sauf surprise, qu'il mènera le parti lors des élections législatives de septembre 2009.

La forte impopularité de Fukuda auprès de la population ces derniers mois, trouve son explication dans la poursuite des mesures libérales initiée par ses prédécesseurs, Koizumi en tête, ainsi que part la situation économique dégradée au niveau mondial qui touche le pays.
Après l'affaire de la disparition de 50 millions de dossiers de retraite lors de leur informatisation dans les années 1980 qui précipita la chute du cabinet Abe, un plan de couverture médicale devant entrainer une hausse des cotisations médicales pour beaucoup de personnes âgées, qui représentent une part grandissante de la population n'a fait qu'accroître le sentiment des Japonais que le pays est sur le déclin. Fukuda en est conscient, lui qui déclara durant l'annonce du nouveau gouvernement :
« Depuis ma prise de fonction, j'ai poursuivi les réformes sous le regard du peuple. Cependant, avec la hausse brutale du prix des carburants et de l'alimentation, beaucoup de gens ont le sentiment que leur vie est devenue plus difficile. J'ai décidé de mettre en œuvre de nouvelles mesures qui permettront d'améliorer le quotidien.»
.「首相就任以来、国民目線での改革を進めてきた。しかし、ガソリンや食料品価格高騰の影響で生活が苦しくなったと感じている方が多い。生活改善を実感できる政策の実現を重視した新たな布陣にした。」

Pourtant, on observe le retour d'anciennes figures du gouvernement Koizumi, à des postes clés : Kaoru Yosano retrouve le portefeuille de la politique économique et fiscale et Toshiro Nikai celui de l'économie, du commerce et de l'industrie. Ce dernier fut notamment en charge à la Diète du comité de réforme de privatisation de la Poste. L'ancien ministre des finances Sadakazu Tanigaki a, quant à lui, obtenu le ministère du territoire, des infrastructures, des transports et du tourisme. Ces figures importantes du PLD sont connues pour être des tenants de la rigueur. Mais il semble peu probable qu'une cure d'austérité soit à même de répondre aux améliorations dans la vie quotidienne que les Japonais souhaitent.

Il s'était refusé à remanier son cabinet jusqu'au sommet du G8 en juin était une occasion importante pour lui de capitaliser sur les succès diplomatique de son début de mandat et de se montrer comme un leader d'envergure mondial. Même si on ne peut lui en imputer la plus grande responsabilité, les observateurs s'accordent à souligner l'échec de ce sommet où les questions environnementales étaient au coeur des discussions. L'objectif de réduction de 50% des gaz à effet de serre à l'horizon 2050 est trop lointain pour avoir quelconque effet contraignant sur le cours des événements. Le prix de l'énergie semble être la seule variable à même de faire bouger les choses sur ce plan.

L’objectif de réduction massive des gaz à effet de serre semble pourtant un moyen efficace de redonner un cap au pays, ce qui lui fait défaut depuis l’éclatement de la bulle au début des années 90, mais comme on a pu le lire dans le quotidien le Monde dans de récents articles, les rejets industriels baissent difficilement, et le secteur automobile – pourtant leader mondial des voitures hybrides – peine à imposer ce type de véhicule sur le marché japonais, la faute à des prix pas assez compétitifs et à un manque de soutien de l'État. La hausse du prix des carburants qui grève le pouvoir d'achat de nombreux Japonais devrait entrainer le gouvernement à prendre des mesures afin de réduire la dépendance énergétique du pays.   

Sur le plan diplomatique, Fukuda peut, en revanche, s’enorgueillir d’avoir quelque peu modifié la perception de son pays sur la scène internationale. Sans revenir sur l’alliance avec les États-Unis, le rapprochement opéré avec ses voisins d'Asie, la Chine en tête, depuis son arrivée au pouvoir a dépassionné des contentieux qui restent tout de même à résoudre. Considéré comme un modéré dans son parti, il paye cependant un manque de charisme et de poigne qui aiguise les appétits de ses rivaux au sein du PLD, d'autant que la situation de blocage institutionnel n'est pas propice à une activité parlementaire nourrie.

Nobostant la parenthèse Shinzo Abe, Le parallèle avec la situation de Gordon Brown en Grande-Bretagne est tentant puisqu'on observe les mêmes difficultés à succéder à deux phénomènes politiques, Tony Blair et Junichirô Koizumi. Ces derniers ont tous deux eu une longévité exceptionnelle à la tête de leur pays, dix ans pour Blair et cinq pour Koizumi dans un pays où la durée de vie d'un gouvernement depuis 1955 excède rarement deux ans. Leur politique, si elle reste contestable sur de nombreux points (soutien à la guerre en Irak surtout chez Blair, visite au sanctuaire de Yasukuni et les relations tendues avec ses voisins asiatiques, creusement des inégalités sociales pour Koizumi notamment), a malgré tout reçu l'assentiment de l'opinion et des médias leur permettant de mener à bien leur programme.

En revanche, Brown comme Fukuda ont certaines difficultés à passer de l'ombre à la lumière, et si pour Brown la menace ne vient surtout du leader de l'opposition David Cameron, le premier ministre japonais doit contenir des rivalités au sein de son propre camp. Reste que ce remaniement a peu de chances de redonner du souffle à son cabinet, et loin de ses promesses d'action, la montée en puissance du rival Tarô Asô au poste de secrétaire général du PLD préfigure déjà l'après Fukuda.



Discours de Fukuda

Composition du nouveau cabinet

Liste des premiers ministres japonais

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