24 juillet 2008

Siné/Val

C'est une histoire qui commence par une bombe : le journaliste Claude Askolovitch, dans l'émission de RTL On refait le monde, croit savoir que le rédacteur en chef de Carlie Hebdo, Philippe Val va débarquer le dessinateur Siné du journal pour propos antisémites dans une chronique consacrée à Jean Sarkozy.
Seulement tout n'est pas si simple, et le fond de l'affaire est résumé sur le site Marianne2.fr
La critique de Daniel Schneidermann sur le site d'Arrêt sur images, et le papier de Francis Kuntz sur Agoravox (à lire ici)nous en apprend également un peu plus sur les véritables dessous de cette affaire, à savoir des divergences sur le traitement réservé au journaliste Denis Robert.
Apparemment anodin, cet épisode est révélateur de l'art de la diversion de tout un pan des journalistes/éditorialistes, préférant manier les anathèmes afin de disqualifier toute critique ou enquête sur les pouvoirs en place.

Où sont les enquêtes sur Clearstream, sur Monsanto, sur l'argent de l'UIMM, sur le délit d'initié d'EADS? La liste est longue. A chaque fois ou presque, un journaliste isolé planche sur ces affaires (je pense à Eric Decouty notamment), qui doit subir les emmerdes, les railleries, alors que des vrais scandales existent et ces enquêtes mériteraient d'être reprises, enrichies, approfondies ou critiquées par l'ensemble de la presse. Mais bien souvent, c'est silence radio ou un fumigène qui accompagne le traitement de ces affaires. C'est à ce raisonnement binaire auquel on assiste de plus en plus dans les grands médias. Val procède dans son édito par un procédé crasseux, en mélangeant Meyssan, les OGM et Robert, introduisant chez le lecteur le sentiment qu'enquêter sur ces sujets procède uniquement du conspirationisme, voire même serait illégitime. Son édito est au moins parlant sur ce point, Philippe Val est une espèce de béni-oui-oui du néo-conservatisme américain. C'est son droit le plus strict, mais l'assumer serait encore mieux, surtout pour les lecteurs de Charlie Hebdo.
Il vire Siné en l'accusant d'antisémitisme, mais réfute en retour, bien évidemment, les accusations de copinage avec l'avocat de Clearstream. Il me semble que la presse soit plus menacée aujourd'hui par les conflits d'intérêt divers (qui pourrissent l'essence même du journalisme et entretiennent la défiance des lecteurs) que par l'antisémitisme.

Quant au fils Sarkozy, il a eu toute latitude pour comploter à Neuilly, prendre un siège de conseiller général, puis la présidence du groupe UMP en six mois à peine. Et les télés, radios, hebdos de se répandre en éloges et chanter les louanges de celui qui est encore plus précoce que son père. Quand on parle du problème de l'insertion des jeunes sur le marché du travail, quelle foutaise. J'espère que Sarkozy citera son fils en exemple pour montrer que tout devient possible!
Bref, en entendant Claude Askolovitch descendre Siné dans On refait le monde, je m'attendais à un antisémitisme débridé digne de la presse des années 30 et tout ce que j'y ai vu, c'est de la maladresse pour pointer du doigt une nouvelle folie médiatique, cette fois-ci autour du dauphin. Et BHL à la rescousse, de tous les combats une fois de plus! Dans Le Monde s'il vous plait!
Dernier participant au bal de l'indignation, Laurent Joffrin dans Libération, qui, à trop vouloir démontrer le supposé antisémitisme de Siné, tombe lui même dans ce travers en accolant les termes juif et race. Mais bien sûr, on ne peut soupçonner Laurent Joffrin d'antisémitisme. L'indulgence et la mansuétude sont décidément à géométrie variable.


A lire ici ce très bon article de François Reynaert sur le sujet

Aucun commentaire: