6 mai 2008

On n'a pas de pétrole, mais on a des mauvaises idées

Ce que l'on peut retenir du Grenelle de l’environnement qui s’est tenu en octobre 2007, est plutôt en mesures concrètes, quand celles-ci n'entrent même pas parfois en contradiction avec les intentions affichées, en témoigne la position du Parlement sur la loi OGM actuellement en débat.
On commence, cependant, à avoir un certain recul sur la mise en place d’une mesure phare de ce Grenelle, à savoir l’éco-pastille, entrée en vigueur depuis le début de l’année sous forme de bonus-malus calculé selon le niveau de rejet de co2 des automobiles.
Sur le papier, inciter l’achat de voitures peu émettrices de dioxyde de carbone et au contraire taxer les plus polluantes apparaît comme une mesure intéressante, d’autant que, d’après le ministère de l'environnement, «le mécanisme a été conçu de façon à ce que les recettes du malus financent les dépenses du bonus et du super-bonus».
Reste qu’après un premier bilan, en suivant le raisonnement de Jean-Louis Borloo, on est loin d’une compensation optimale : « depuis l'entrée en vigueur, le 5 décembre 2007 du bonus/malus écologique, les ventes de voitures émettant moins de 130g/km de Co2 ont augmenté de 35%, et celles émettant plsu de 160g/km ont chuté de 45% ». Sur cette base, on évalue un déficit du système fleurtant avec les 30 à 50 millions d'euros par mois depuis le début de l'année 2008.
Les ONG ont regretté que le dispositif « se limite à une taxe ponctuelle et non annuelle», ce qui aurait certainement permis de rendre la mesure indolore pour le contribuable. Une taxe annuelle sur les voitures à partir d’un certain taux de rejet de co2 sur le principe de la défunte vignette aurait eu le mérite d'être sans douleur pour le contribuable dans son ensemble, tout en étant un moyen d'incitation pour les constructeurs à trouver rapidement des solutions pour répondre aux enjeux de la pollution atmosphérique.
Cependant, le gouvernement, qui a déjà bien du mal à résister au lobbying des semenciers sur la question des OGM, n'a pas souhaité se mettre aussi à dos les constructeurs automobiles.
Ces derniers l’emportent au détriment de la collectivité. Le bonus, profite largement aux marques françaises, compétitives sur le segment des citadines, et permettra d'endiguer pour un temps la part de marché déclinante de ces dernières sur le marché hexagonal Les ventes d'automobiles étrangères représentent désormais 48,2 % du marché (45,7 % en 2006).
De plus, à l’heure d’un pouvoir d’achat grevé par la hausse continue du prix des carburants et de l’urgence climatique, ce dispositif est beaucoup trop timoré et isolé pour avoir un quelconque impact sur la révolution nécessaire dans les transports et les modes de déplacement.
Et ce n’est pas en tentant de vendre des centrales nucléaires à tour de bras comme le fait le gouvernement qui résoudra le problème.
La priorité de l'action publique devrait être le transport ferroviaire, d'autant que pour le coup l'État propriétaire à toutes latitudes pour mettre en avant ce moyen de transport, plus écologique que la voiture ou l'avion. Or, aucune des déclarations ou mesures concernant le transport ferroviaire ces dernières années ne va dans ce sens : restructuration du fret avec des fermeture de lignes, la Cour des Comptes estimant qu'une partie des lignes les moins fréquentées devrait être fermée, ou l'annonce (démentie depuis) de la suppression de la carte famille nombreuse.
Le train est pourtant un des enjeux majeurs concernant le transport des personnes et des marchandises pour parvenir à une réduction significative des gaz à effet de serre.
En matière de transport urbain, des avancées ont été accomplies par les municipalités avec la multiplication des tramways et de service de location de vélo. Un des projets les plus intéressants en matière de transport collectif, sera la mise en place d'un service de location de véhicules propres (électriques ou hybrides) à Paris en 2009. Si il fonctionne, nul doute que d'autres municipalités vont se doter d'un tel système qui imposera une refonte majeure de l'organisation des zones urbaines.
Il est donc encourageant de voir que des solutions locales sont en passe d'être trouvées, quand l'État, sous couvert de bonnes intentions écologiques, nous sert une redite des fameuses primes à la casse appliquées en 1994 et 1996 par Edouard Balladur et Alain Juppé.
Ces mesures qui ont coûté un milliard d'euros à l'État, n'ont pas impulsé le rajeunissement du parc automobile français entre 1995 et 1997, créant uniquement un effet d'aubaine chez les personnes désirant changer de voiture.
A vouloir ménager l'environnement et, dans le même temps, favoriser les constructeurs automobiles, le gouvernement s'enferme dans des contradictions néfastes pour le pays.
On voit les dégâts de ce genre de politique avec les biocarburants, qui étaient la solution miracle il y a à peine deux ans encore, et qui s'avèrent désastreux aujourd'hui dans un monde marqué par une demande croissante de biens alimentaires. Le gouvernement de l'époque avait voulu, habilement pensait-il alors, nous convaincre de l'intérêt écologique de ces carburants tout en subventionnant une partie de l'agriculture.
Cette politique du mélange de la carpe et du lapin, menée également sur les droits de l'homme, a du mal à tromper sur les réelles intentions du gouvernement qui fait le choix de servir les intérêts des entreprises françaises au détriment de l'environnement et de l'assainissement des finances publiques.

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